Contenu du cours
Faire le point sur votre clinique
Dans cette section, nous allons vous aider à faire un premier bilan autour des bases de votre clinique (ou de votre projet de clinique) que sont ses acteurs et ses objectifs.
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Renforcer les bases
Dans cette section, nous nous intéressons à la spécificité de l'enseignement clinique du droit et à sa traduction dans un syllabus adapté à une clinique juridique à saisine directe.
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Renforcer les procédures
Dans cette section, nous portons notre attention sur le quotidien de la clinique juridique, depuis la tenue des permanences jusqu'au suivi annuel des étudiants.
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Développer votre clinique
Une fois le projet bien ancré dans votre université, il est toujours utile de se poser la question de son développement au-delà de sa base initiale.
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Renforcer votre clinique juridique à saisine directe
À propos de la leçon

Pour assurer un bon développement de la clinique, il est fondamental de l’inscrire dans un réseau de partenaires locaux.


Activité : Lire l’extrait de Romain Ollard & Amarande Baumgartner, « Cliniques juridiques et démultiplication des missions de l’université », Cliniques juridiques, Volume 1, 2017 [https://www.cliniques-juridiques.org/?p=314].

Au fil de la lecture, envisagez comme votre clinique pourrait s’inscrire dans un réseau de partenaires associatifs et institutionnels, tant pour bénéficier à leurs activités que pour aider vos étudiants dans leur apprentissage.

 

A – LA DIFFUSION DU SAVOIR VERS D’AUTRES DESTINATAIRES

Diffusion du savoir, mission fondamentale de l’université. Si la diffusion du savoir est lien social selon Platon, en raison de l’échange et du dialogue qu’elle implique, l’action de l’université devrait trouver sa légitimité profonde dans la transmission des savoirs aussi bien en « interne », c’est-à-dire à destination de ses étudiants que, de façon plus novatrice, vers l’extérieur, à destination de ses populations et acteurs locaux. Or, les cliniques juridiques permettent assurément de dessiner de nouveaux modes de partage des connaissances. Car si la mission première de l’université ne varie pas sous l’influence des cliniques juridiques, la diffusion des savoirs restant l’objectif central – l’université faisant alors au fond ce qu’elle sait faire et ce qu’elle a toujours fait –, la transmission des savoirs s’opère selon des modalités renouvelées : elle ne s’adresse plus seulement à une élite – ses étudiants – pour viser tantôt ses populations locales, dans un objectif social (1), tantôt des acteurs sociaux-économiques du tissu local (2), institutionnels ou privés. La mission première de l’université, qui demeure dans sa nature, change alors tout à fois de bénéficiaires et de forme : elle n’est plus transmission du savoir purement théorique dans des amphithéâtres ; elle devient rencontre interpersonnelle, échange et dialogue avec des populations ou des acteurs locaux.

  1. LA DIFFUSION SOCIALE DU SAVOIR

Diffusion du savoir aux populations. Conformément à la responsabilité sociétale de l’université, nombre de cliniques juridiques – celles qui accueillent du public – assument une fonction sociale à l’égard des habitants des territoires situés dans la cité universitaire ce qui, d’une part, inscrit directement l’université dans son territoire et renforce, d’autre part, le rôle de service public des universités. L’université se trouve ainsi investie – ou plutôt s’investit elle-même, dans une optique dynamique – d’une fonction de justice sociale à destination des personnes en attente de solutions juridiques, parfois en situation de vulnérabilité, en promouvant l’objectif d’accès au droit de ces personnes. L’université devient un lien social, un trait d’union entre le public et les professionnels du droit, les cliniques juridiques constituant à cet égard une étape, un « sas », les justiciables étant bien souvent réticents – pour des raisons très diverses – à l’idée de franchir la porte des professionnels du droit. Mais si la fonction sociale des cliniques juridiques apparaît à l’évidence lorsqu’elles favorisent l’accès au droit de populations fragilisées qui ne pensaient pas pouvoir y accéder, les cliniques juridiques peuvent encore assurer une fonction militante et politique en s’inscrivant dans une démarche plus engagée, notamment lorsqu’elles concentrent leurs activités sur la défense d’une catégorie de la population, particulièrement vulnérable. Certaines initiatives remarquables méritent à cet égard d’être signalées, comme celle de la clinique juridique de Genève qui, chaque année, produit une brochure explicative contenant l’ensemble des droits d’une frange vulnérable de la population, comme tel fut le cas par exemple de brochures produites à destination des Roms ou de personnes en détention provisoire. Traditionnellement académique, l’œuvre universitaire devient aussi œuvre sociale, l’université un « travailleur social ».

Diffusion du savoir au tissu associatif. Une telle ouverture de l’université vers l’extérieur est encore profitable aux professionnels qui ont tout intérêt à collaborer avec les clinques juridiques, qu’il s’agisse des professionnels du droit (avocats ou autres), de partenaires institutionnels (maisons du droit, etc.) ou surtout du tissu associatif, en attente d’expertises juridiques que peuvent leur offrir l’activité clinique. D’un point de vue quantitatif d’abord, les associations ne disposent bien souvent ni du personnel ou des moyens financiers suffisants, ni même du temps pour faire face au flux des demandes, de sorte que le recours aux cliniques juridiques leur offrira une expertise juridique gratuite leur permettant une prise en charge effective des demandes. Au plan qualitatif ensuite, le tissu associatif, qui souffre parfois d’un déficit de compétences, recevra de la part des cliniques juridiques des informations dotées d’une crédibilité académique sur des questions parfois très techniques pour lesquelles l’expertise universitaire constitue une véritable plus-value. A la Réunion par exemple, la clinique du droit se voit transmettre des dossiers de la part des Maisons de la justice et du droit – où les permanences sont assurées par des secrétaires non juridiques – qui concernent des questions complexes nécessitant des recherches juridiques approfondies, chacun exerçant ainsi ses compétences dans le respect, bien compris, de celles de l’autre. Selon une saine répartition des compétences, le tissu associatif bénéficiera ainsi d’un soutien juridique de la part de l’université, celle-ci dispensant alors du savoir, non plus seulement à ses étudiants, mais bien hors de ses murs, spécialement au niveau local.

  1. LA DIFFUSION LOCALE DU SAVOIR

L’université ancrée dans son territoire. Dès lors que la responsabilité sociale des universités est conçue comme un engagement qui doit s’étendre, au-delà de ses seuls acteurs internes (étudiants et personnels), à toutes les parties prenantes, il n’est guère surprenant que dès 2012, lors des assises nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche, nombre d’universités se soient prononcées en faveur d’un rayonnement plus large au sein des territoires. Si cette ouverture au plan local fait de l’université un acteur socio-économique de son environnement, elle bouleverse toutefois les représentations classiques de l’université qui n’a « pas eu l’habitude de penser son organisation de façon décentralisée mais plutôt, dans une tradition républicaine, en relation avec l’État comme principal interlocuteur » [E. Annoot, « Les universités, un service public de proximité? », in La responsabilité sociale des universités en France : un concept en émergence ? in Adde, Y. Lichtenberger, « L’université et ses territoires », Urbanisme, Hors série, 38, 2010, p. 57 (https://edso.revues.org/812)]. Certains ont ainsi pu évoquer à cet égard des « systèmes régionaux d’enseignement supérieur » [D. Filâtre, « Les universités et le territoire : nouveau contexte, nouveaux enjeux », in Les mutations actuelles de l’université, G. Felouzis (dir.), PUF, 2003, p. 19.], portés par un Etat régulateur, par opposition à un modèle d’université fondée sur un Etat interventionniste.

Diffusion du savoir aux partenaires locaux institutionnels. Or, s’insérant parfaitement dans ce mouvement de décentralisation des missions de l’université, qui implique qu’elle fasse bénéficier les acteurs locaux de ses ressources et des résultats de ses recherches, les cliniques juridiques ont assurément un rôle à jouer, tout particulièrement, en premier lieu, à l’égard de ses partenaires institutionnels (région, département, etc.). Par un mécanisme de reploiement de leurs ressources vers d’autres bénéficiaires, les universités – à travers leurs cliniques juridiques – vont mettre à disposition des acteurs locaux leur expertise et leurs moyens humains dans le domaine des politiques locales. Sans doute est-il difficile alors de systématiser l’action des cliniques juridiques tant le tissu local peut être spécifique d’une localité à l’autre, de sorte que chaque clinique développera une identité propre, en fonction des spécificités de son environnement, de l’histoire – sociale, économique, industrielle – de sa localité, de sa situation géographique, mais aussi en fonction de la taille de son université et des compétences dont elle dispose. Ainsi, à La Réunion, des thèmes spécifiques au contexte local ont-ils pu émerger, tenant par exemple au « risque requin », aux vulnérabilités propres à La Réunion liés aux changements climatiques ou encore à la thématique du droit des étrangers dans un contexte d’immigration intra-océan indien. Toutefois, par-delà cette diversité quant au contenu de l’activité clinique, celle-ci prendra alors le plus souvent la forme de « rapports » remis aux partenaires institutionnels locaux concernant une question sociétale ou de politique locale dont ils auront saisi une clinique juridique. En définitive, lorsqu’elle est mise au service de tels partenaires locaux, l’activité clinique est orientée moins vers une fonction purement sociale que vers une activité de recherche appliquée.

Diffusion du savoir aux acteurs économiques. Si l’université, à travers ses cliniques juridiques, se trouve ainsi confirmée comme un acteur socio-économique de son territoire, c’est encore le cas lorsque son expertise est mobilisée, en second lieu, au bénéfice des acteurs économiques privés locaux, notamment des entreprises. Les universités pourraient ainsi être amenées à assumer une forme de responsabilité économique lorsque les cliniques juridiques sont saisies pour des avis juridiques destinés à soutenir des acteurs privés dans leurs décisions stratégiques. Loin de rester cantonnées à la seule transmission – classique – du savoir, les universités, ainsi promues comme acteurs du développement local, auraient un rôle à jouer afin d’accompagner la société dans ses mutations économiques. Si l’émergence de liens entre l’université et le tissu des entreprises locales peut être perçue comme un atout de compétitivité visant à améliorer sa visibilité et sa réputation, la nature de ces liens interroge toutefois sur le rôle et les fonctions des cliniques juridiques car, en offrant des avis juridiques au tissu économique local, les cliniques pourraient a priori être considérées comme empiétant sur le monopole reconnu aux avocats en matière de consultation juridique, si ce n’est que seules se trouvent prohibées les consultations juridiques réalisées « à titre habituel et rémunéré ». Il n’en demeure pas moins qu’il a été décidé à La Réunion, afin de briser les résistances du barreau local, de décliner la compétence de la clinique du droit pour toutes les saisines émanant de personnes morales de droit privé ou de droit public, constituées ou en devenir, pour toutes questions de droit des affaires au sens large.